Naissance et conception du projet de la bibliothèque François Mitterrand (1988 - 1998)
Le quartier : implantation Rive gauche
Après plusieurs propositions de lieux, le choix du site s’est porté sur une zone industrielle désaffectée dans le XIIIe arrondissement, sur la rive gauche, le long de la Seine, entre les ponts de Bercy et de Tolbiac. La bibliothèque s’installe sur un terrain de sept hectares. Ce terrain a été donné à l’État par la mairie de Paris.
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Le choix délicat du lieu
Le Président de la République, François Mitterrand, a demandé une étude des différents lieux envisageables pour la bibliothèque. Un rapport officiel, Propositions pour une grande bibliothèque, écrit par Patrice Cahart et Michel Melot, synthétise les différentes suggestions et réflexions à ce sujet. Le choix est délicat, le site doit à la fois ne pas être trop loin du site Richelieu, pour éviter des transports trop longs aux lecteurs, et être accessible à tous facilement.
Les propositions
Église Saint-Léon, rue Dupleix
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Trois sites retiennent l’attention en dehors de Paris mais sont finalement écartés, car la bibliothèque doit pouvoir recevoir à la fois les habitués du site Richelieu et des lecteurs étrangers. Par ailleurs, en tant que bibliothèque nationale, le nouvel établissement a naturellement vocation à s’implanter dans la capitale. Des possibilités sont évoquées dans la banlieue parisienne mais l’accès, souvent difficile, est dissuasif. À Paris même, le rapport ne dégage que deux lieux possibles : le quartier Dupleix dans le XVe arrondissement, et les abords du pont Tolbiac, dans le XIIIe arrondissement.
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Le quartier Dupleix est le mieux desservi, proche du quadrilatère Richelieu, du Quartier latin et du Champ de Mars. Néanmoins, c’est un quartier résidentiel de l’Ouest parisien alors que l’Est parisien est à rééquilibrer. De plus, le terrain intéresse la Ville de Paris qui a déjà versé une partie du prix d’achat. L’implantation sur un tel site aurait donc été coûteuse.
Le site de Tolbiac, frange industrielle située en front de Seine, offre une situation optimale pour assurer sa visibilité au monument. La surface est grande et permet de projeter d’éventuelles extensions. Cette localisation permet aussi de rééquilibrer l’Est parisien : la bibliothèque est un moyen de développer un quartier à vocation économique et financière, avec une dimension culturelle. Toutefois, malgré le fait que la Ville de Paris propose d’offrir une partie du terrain, les voies ferrées à recouvrir d’une dalle en font un projet coûteux. Par ailleurs, cette zone n’est desservie que par une seule station de métro et la liaison avec le site Richelieu est délicate. Le rapport préconise, si ce site est choisi, un accord entre la Ville de Paris et la SNCF pour la construction de la ligne Météor, ancêtre de la ligne 14, qui n’est alors qu’à l’état de projet.
Le projet à Tolbiac ?
Vue de l'exposition Dominique Perrault, la Bibliothèque nationale de France. Portrait d'un projet. 1988-1998
<Etude du parcellaire du quartier et croquis de répartition des typologies de bâtiments (1989-1990)
ClIché auteurs
La zone de Tolbiac est déclarée zone d’aménagement concerté (ZAC) en 1991, le préfet signe alors une déclaration d’utilité publique qui prévoit une nouvelle station de métro sur la ligne Météor, et un groupement d’écoles spécialisées. Une opération d’urbanisme pour ces derniers terrains libres de la capitale est lancée : le quartier est en pleine restructuration mais le nord du treizième arrondissement n’est pas aménagé et est encombré de voies ferrées. Jacques Chirac, le maire de la ville de Paris, a une forte volonté d’investir l’est parisien alors zone industrielle et portuaire sur le déclin.
Lorsque François Mitterrand expose son projet de construire une grande bibliothèque moderne, Jacques Chirac, appuyé par Jacques Toubon, maire du 13e arrondissement de Paris, propose le terrain au premier ministre Michel Rocard. Le quartier de Tolbiac est proche du quartier latin, Bercy est en face sur l’autre rive. Néanmoins, il faut recouvrir les voies de chemin de fer et les travaux sont coûteux.
Le site de Tolbiac est finalement retenu pour le projet de la « Très Grande Bibliothèque ». Des bureaux sont construits pour rentabiliser les aménagements des voies malgré l’opposition du parti politique des Verts : ceux-ci réclament une majorité d’habitations et plus de transports pour desservir ce quartier. Une partie du projet (25 milliards) est financée par la vente des terrains mais il y a peu d’acheteurs, car les prix sont élevés (la Société Générale se désiste et Bouygues ne débloque pas les fonds nécessaires).
La décision
Quand la Bibliothèque nationale de France prend place dans ce nouveau quartier, elle donne une dimension culturelle à une zone essentiellement économique. Le pari de Dominique Perrault et de François Mitterrand est de faire de cet édifice un véritable repère dans la ville au même titre que d’autres constructions de la capitale. Dans un quartier voué à se développer et à évoluer, Dominique Perrault ne souhaite pas installer un monument trop imposant, trop présent dans l’espace. Il fait donc disparaître le volume et n’en garde que les angles qui matérialisent le vide, délimitent le bâtiment et fonctionnent comme des repères perceptibles par tous. La bibliothèque est donc une grande place ouverte sur l’extérieur, offerte à la ville. Elle est fondée sur l’interaction entre intérieur et extérieur, ce qui est rendu possible grâce à la transparence du bâtiment. Dominique Perrault imagine son projet comme un lieu sans barrières, qui favorise la participation. Son intention était de créer un lieu qui incarne la démocratie.